La passion de l'air, comme toute, est prenante. Très vite elle vous habite totalement. Vos connaissances et expériences vont lentement sculpter votre façon de la vivre. C'est ainsi que chacun va la vivre différemment. Prenant une orientation différente et donnant une teinte particulière à sa passion. Une vision particulière de la vérité. La vérité telle que JE la vois.
Ce processus se retrouve sur quasiment tous les thèmes, et se retrouve même dans les sujets d'actualités les plus évidents. Me concernant, je tente de garder une approche la plus ouverte et la plus large possible, mais surtout, je fais de mon mieux pour que l'humain reste la composante principale.
C'est ainsi que récemment j'ai exprimé ailleurs mon admiration pour le projet Solar Impulse et les hommes qui le portent. Qualifiant cette réalisation de jalon historique dans l'Histoire de l'Aviation. Parmi les réponses faites à ce commentaire j'ai eu des opinions contradictoires. Le projet n'utilise que des technologies anciennes, le projet n'est pas reproductible dans un esprit de rentabilité et de productivité que ce soit dans l'aviation de loisir ou l'aviation commerciale, le projet n'est qu'une prouesse de résistance humaine rien de plus, le projet aspire trop de financements qui seraient plus utiles à ceux qui ont réellement de l'avenir, etc.
Tout cela représente des opinions, une vision de la réalité, qui sont fondamentalement vraies si on les prend dans un esprit subjectif, partiel. Je vais me permettre d'aborder le point sous un autre angle. Je vais tenter de retirer le microscope pointé sur les détails et de prendre un peu de recul. Avec tout le respect que je dois et que je donne aux opinions des uns et des autres.
En 1937, un journaliste tenait quasiment les mêmes propos (à lui tout seul) dans une tribune d'un quotidien transatlantique en parlant de la performance d'un certain Charles Lindbergh. Ses propos n'étaient pas fondamentalement faux mais il avait oublié un point essentiel dans l'utilité de la performance: le force de l'inspiration, la puissance évocatrice du symbole. Le constructeur du Spirit of Saint Louis n'existe plus. Aucune des technologies utilisées n'était fondamentalement révolutionnaire même pour l'époque et, en toute sincérité, voler en solo pendant plus de 33 heures "c'est débile" comme le dirait une de mes filles. Mais l'Histoire en a décidé autrement. La terre entière a enregistré dans sa mémoire collective que cette année là, un jeune homme a traversé l'Atlantique seul. Les critiques, les doutes sont effacés définitivement.
Mais on peut tout de même se poser la question sur l'intérêt de cette performance et de toutes celles qui ont suivies. À quoi ont elles contribué ? Quelles en furent les dividendes ?
La réponse est à trouver dans la puissance évocatrice de ces performances. En générant du rêve, de la passion ou simplement l'esprit de compétition, les hommes et femmes qui nous ont fait rêver sont directement à l'origine de l'intérêt porté par les financiers, les sponsors, les investisseurs dans ce moyen de locomotion.
Il est tout de même ahurissant de voir le nombre de projets de développement d'avions partout en Europe et dans le monde alors que nous sommes dans un état de crise financière mondiale et que les ventes d'avions de tourisme n'ont jamais été aussi faibles.
En prouvant, avec une technologie existante, que le vol écologique est possible, Solar Impulse prouve aussi qu'en investissant dans la filière et en développant des technologies plus novatrices on pourra aller plus loin.
Les projets dans le domaine sont déjà nombreux, et tous ambitieux. Ils nous permettent déjà d'imaginer que de l'avion de loisir au transport commercial de masse le vol propre est possible.
Revenons encore plus loin en arrière, lorsqu'Alberto Santos Dumont a fait son saut de puce à Bagatelle. Sur cet engin qui tenait plus du cerf volant que de l'avion tel qu'on le conçoit aujourd'hui, il a généré une puissance évocatrice fabuleuse, et on peut en dire de même pour les frères Wright, Mermoz, Saint Exupery, Blériot, et tant d'autres.
L'aviation fait rêver depuis bien plus longtemps qu'elle n'existe. Ce rêve est ce qui l'a inventé. Ce rêve est ce qui la porte encore. Plus récemment on peut citer Branson, Rutan & Yeager, Fosset et j'en oublie. Ils poursuivent le rêve.
Hier, Neil Armstrong est décédé. Ce membre du club le plus fermé au monde, la Confrérie de la Lune, nous a fait rêver au-delà de l'atmosphère. La aussi, la puissance évocatrice fut telle que des générations entières d'humains qui ne toucheraient jamais le sol de la lune en rêvent encore. Et j'en suis. Neil Armstrong fut un de ces hommes exceptionnels à bien des points de vue. Un des plus humbles face à l'exploit, il prônait la poursuite des rêves, l'encouragement des idées nouvelles et encore très récemment au sein de la Lindbergh Foundation. Un des fruits de ce rêve se nomme aujourd'hui Virgin Galactic, et ce n'est pas le seul.
Nous pouvons être fiers de partager notre monde avec de tels personnages. Clin d'oeil d'un dimanche je vais friser le prêche en vous encourageant à suivre ces inspirations, à les encourager, à les développer. Ne boudons pas notre plaisir et sachons dans chaque événement aéronautique y voir la puissance évocatrice qui contribue et fait avancer l'ensemble. Ce rêve que nous partageons en sera plus fort. Notre aviation est bien vivante. Nos figures de proues ne sont pas que des personnages de l'Histoire ancienne, mais aussi des individus bien vivants et toujours actifs. Du petit aéroclub à Solar Impulse, nos héros sont à côté de nous, profitons-en !